178, le matin

- Maman ? Tu as le bonjour de la coiffeuse de chez Camille Albane
Ma mère, cramponnée à mon bras comme une noyée à sa bouée, relève la tête, quittant à regret son inspection du trottoir enneigé, redoutant que son brusque manque d'attention ne permette à une vilaine plaque de verglas de venir se glisser sous ses semelles.
- Ah bon, siffle-t-elle entre ses dents. Comment se fait-il que tu me remettes son bonjour ? Tu l'as rencontrée où ?
- Comment ? Tu n'étais pas au courant que nous prenions toutes les deux le thé tous les mardis à 17h ?
- Vanessa ! Ne sois pas impertinente avec ta mère ! La femme qui t'a donné le jour, qui t'a mise au monde sans péridurale ! Celle que l'on devrait fêter le jour de ton anniversaire !
- Amen ! éructe-je. J'ai tout simplement pris un rendez-vous chez elle.
- Tu n'aurais pas dû ! peste-t-elle. Je ne vais plus chez elle. La dernière fois, elle s'est montrée d'une impolitesse rare à mon égard. Cela a frisé la grossièreté. J'ai même haussé le ton.
Je lance un coup d'oeil à ma mère, cet ange de douceur qui ne se départit jamais de son savoir vivre et de son sang-froid.
- Tu n'aurais pas pu m'avertir un chouïa plus tôt ??? gémis-je. Je comprends mieux pourquoi elle me regardait ainsi hier... Mon Dieu, ça sent la vengeance à plein nez ! J'ai pas du tout envie de jouer dans un remake de "massacre à la paire de ciseaux" !!!
- Bah... Quoi qu'il arrive, ça ne pourra de toute façon pas être pire que ta coiffure actuelle, me lance-t-elle avant d'elle-même s'élancer dans les escaliers qui la mènent à son lieu de travail.

Ca me rassure vachement...
Bon, il est 8h30. Encore 8 heures pour trouver une excuse bidon et annuler ce rendez-vous.