Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Turlututu chapeau pointu
Turlututu chapeau pointu
Publicité
Archives
26 janvier 2005

178 - le soir

Renonçant à invoquer l'enlèvement par une faction armée du groupuscule machiste "halte-là, nous les hommes, on préfère les femmes aux cheveux longs parce que c'est carrément plus sexy et érotique que les femmes aux cheveux courts qui se trouvent dans l'impossibilité de caresser nos corps bronzés et musclés avec leur chevelure abondante et soyeuse", j'ai poussé la porte du salon de coiffure en y mettant autant d'entrain que le condamné qui va à l'échafaud. La caricature blonde de la veille, ce doit être une habitude, surgit de derrière son comptoir et se jette sur moi pour me débarrasser de mon magnifique manteau rouge.

- Tu sais déjà ce que tu veux comme coupe ou tu veux regarder dans une de mes revues ? me demande-t-elle en me poussant fermement vers le banc de lavage.
- Je sais ce que je veux, le plus dur, ça va être de vous l'expliquer, réponds-je en notant au passage que visiblement, à elle, il lui a suffit qu'on se soit vues une seule fois pour qu'on soit amies intimes et que l'on passe au tutoiement.
- Je t'écoute, me dit-elle en plongeant ses yeux bleus dans mes yeux noirs par miroir interposé.
J'entrepends alors d'expliquer à son reflet que je voudrais un carré plongeant, pas trop strict, court sans masse dans la nuque. J'accompagne mes paroles de gestes que j'espère extrêmement explicites mais je sais que je l'ai déjà perdue à "carré plongeant".
- Bien, bien, s'exclame-t-elle en chipotant dans ma chevelure brune. On ne ferait pas une petite couleur aussi ? Tu as le cheveux terne...
- Nan !

Commence alors l'horrible torture du lavage des cheveux. Qui donc a conçu ces sièges où l'on risque à tout moment, si pas de se rompre le cou, à tout le moins un superbe torticolis ? Tirant sur mes cheveux comme si elle comptait les faire pousser d'encore 1 ou 2 centimètres en l'espace de 15 secondes, elle m'asperge d'eau froide qui devient si rapidement bouillante que j'ai l'impression que mon cuir chevelu va se décoller de mon crâne.
- Je te fais un soin des pointes !
Je me retiens de lui dire, vu qu'elle applique consciencieusement sa crème sur ma tignasse, que je n'ai aucunement envie qu'on soigne des pointes qui vont de toute façon être coupées dans les 10 minutes qui suivent ! Met-on de la crème antijesaispasquoi à une main que l'on compte amputer ?!

Rincée et enturbannée, je m'affale dans le fauteuil noir qu'elle me désigne. Tel un desperado, elle attache une ceinture où les ciseaux font office de pistolet. Le ballet des mèches qui tombent peut alors commencer. Schlick schlick à droite, schlack schlack à gauche. A chaque coup de ciseaux correspond également une question : tu fais quoi dans la vie ? nooon ? tu travailles déjà ? mais tu as quel âge ? 28 ans !!! vous ne les faites pas ! je vous aurais mis moins ! notez que c'est mieux dans ce sens-là que l'inverse ! et votre maman ? elle va bien ? elle travaille toujours ? où ? quoi ? comment ? la ligne, je la fais où ? à gauche, à droite, au milieu ? Au milieu ? mmmm, je trouve que ce serait mieux un peu décentré, ce serait plus joli ? non ? si hein, je savais bien que nous tomberions d'accord.

Même armée de son sèche-cheveux qui souffle de l'air chaud dans mes oreilles, je la vois qui remue encore les lèvres, pensant certainement que je suis dotée de l'ouïe de superman et de la voix de ténor de je ne sais quel chanteur lyrique célèbre.

- Et voilà, s'extasie-t-elle dans un dernier coup de peigne.
Et voilà... un superbe carré plongeant, court, strict et très massif dans la nuque.
- Cela vous plaît ?
Ni courageuse, ni téméraire face à une femme qui brandit une paire de ciseaux, j'acquiesce.
Et puis, il faut avouer que même si ça ne correspond pas tout à fait à ce que j'avais en tête, c'est plutôt réussi. C'est donc avec le sourire que j'ai payé les 44 euros réclamés et que j'ai quitté le salon en me réjouissant de pouvoir compter sur une nouvelle face de rat un peu plus attrayante pour subir les 177 très longues journées qui m'attendent.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité